Histoire du Sambo
L'histoire des arts martiaux russes a été délibérément faussée par les purges staliniennes. Cette désinformation a été maintenue par les services secrets soviétiques, durant les deux grandes Guerres mondiales et pendant toute la période de la Guerre froide7. Même chez les Soviétiques, beaucoup ont toujours cru jusqu'à tout récemment qu'Anatoly Arkadevich Kharlampiev était le seul et unique fondateur du sambo et que ce système de combat reposait exclusivement sur les arts martiaux russes anciens. Cette désinformation était répandue chez les pratiquants de sambo, les grands champions et même chez les instructeurs les plus expérimentés. Des noms comme Viktor Afanasevich Spiridonov et Vasily Sergeevich Oshchepkov sont restés dans l'ombre jusqu'à tout récemment.
C'est depuis la sortie d'un livre sur le sambo écrit par Mikhaïl Nikolaevich Lukashev, livre qui fit scandale en URSS à sa sortie en 1982, que la vérité sur la création du sambo commença à être dévoilée. Le dévoilement se poursuivit en 1986 avec la parution d'un second volume sur l'histoire du sambo. Toute cette épopée s’amorça quand Lukashev débuta ses recherches et trouva ce dossier :
URSS. NKVD. Département de la région de Moscou. Cas No.2641 à propos de l'accusation de Vasily Sergeevich Oshchepkov selon la clause 58 de l'article 6 du Code criminel de Russie, Vol 1.
Le dossier était très peu documenté. En résumé, il ne relatait en fait que Vasily Sergeevich Oshchepkov, instructeur de lutte libre, judo et d'autodéfense pour l'Armée rouge, avait été arrêté pour crime de trahison car il espionnait pour le compte des Japonais. Il avait été envoyé au goulag et exécuté sommairement d'une balle dans la tête. Toutes ces accusations étaient fausses.
Michail Lukashev pratiquait le sambo depuis bien des années. Il connaissait bien son art martial ainsi que soncurriculum technique, mais moins son historique. Les livres écrits sur le sambo par son « présumé » fondateur, Anatoly Arkadevich Kharlampiev, ne remontaient pas avant 1949. Lukashev avait cru comme tous qu'Anatoly Kharlampiev était le créateur du sambo et que ce n'était qu'une synthèse des différents styles de luttes slaves provinciales réalisée par Kharlampiev sur l'ordre de N.I. Podvoiski. C'est ce qu'Anatoly Kharlampiev clamait dans ses livres depuis des années. Mais il subsistait néanmoins quelques incohérences dans l'histoire de Kharlampiev.
C'est en lisant un article dans la revue Ogonyok, « L'histoire du sambo » par Rahtanov, que Lukashev commença à faire des recherches plus approfondies sur l'origine du sambo. Rahtanov ne parlait pas de Viktor Spiridonov dans son article. Pourtant, Spiridonov était vétéran de la Guerre russo-japonaise et avait débuté un travail sur l'autodéfense (le samoz) bien avant Anatoly Kharlampiev. De plus, Podvoiski était déjà un héros de la révolution en 1922 lorsqu'il aurait ordonné à Anatoly Kharlampiev de créer le sambo. Or, en 1922, ce dernier n'avait que 15 ans. L’histoire n’était donc pas crédible. De plus, Rahtanov faisait mention dans son article, d'une déclaration que Kharlampiev avait faite en 1938 au sujet du lien qui existait entre le judo, le jujutsu et la création du sambo, ce qui n'a jamais été mentionné par Kharlampiev dans aucun de ses livres par la suite. La question demeure ainsi sans réponse.
Mikhaïl Lukashev commença donc son travail de recherche au sujet de Viktor Spiridonov, sa biographie, son travail. Ce fut un travail ardu et compliqué : la majorité des gens impliqués avec Spiridonov étaient décédés, les archives le concernant au Club Dynamo avaient disparu. Il ne put trouver, pendant longtemps, que des histoires orales sur Spiridonov, recueillies d'amis, de collègues, de voisins. Il finit par tomber sur Fyodor Ivanovich Zhamkov qui était Maître de Sport en titre et qui avait travaillé pour Viktor Spiridonov au Club Dynamo. C'est à cette occasion qu'il entendit parler pour la toute première fois de Vasily Oshchepkov. Zhamkov avait été un des étudiants d'Oshchepkov en 1920 à Vladivostok et il avait étudié le judo avec lui. C'est à partir de ce moment que Lukashev débuta ses recherches sur Oshchepkov et toute l'histoire du sambo commença à être dévoilée.
Après la publication de son manuel sur le Sambo en 1982, Lukashev fut confronté à un tollé de la part des étudiants de Kharlampiev. Au lieu de déclencher une discussion ouverte au sujet de la véritable origine du sambo, telle que racontée par Lukashev et lui prouver son erreur, les étudiants de Kharlampiev écrivirent une lettre de dénonciation et l'expédièrent au Comité Central du Parti Communiste de l'Union Soviétique. Les accusations étaient plus ou moins ridicules. Au lieu d'être jetée à la poubelle, la lettre fut pourtant envoyée et enregistrée au Comité d'État des Sports d'URSS. Les autorités de ce comité organisèrent une discussion au sujet du livre et de son auteur. Le livre controversé était destiné aux jeunes lecteurs. Il contenait surtout des informations sur les arts martiaux avec un guide d'apprentissage personnel. Néanmoins, ce sont les anciens vétérans du sambo, ceux qui avaient contribué à son développement et à sa propagation à travers tout l'Union Soviétique, qui se sont le plus intéressés à la discussion. Ces vétérans du Sambo en connaissaient la véritable histoire et pour la première fois, ils pouvaient la raconter. Andreï Andreevich Budzinsky, deux fois champion d'URSS et l'un des premiers étudiants de Kharlampiev, joua un rôle particulier dans cette histoire. Il forma un conseil de vétérans, et ils rassemblèrent des archives personnelles, des documents d'État, trouvèrent d'anciens compatriotes de l'époque, ils envoyèrent des lettres dans les musées, etc. C'est ainsi que de nouvelles informations furent dévoilées.